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Laurence NGOSSO

«Quand je parle d’architecture je suis écoutée car mon expérience parle pour moi». Vingt-neuf ans après avoir intégré le cercle très fermé de l’architecture camerounaise, profession essentiellement réservée aux hommes à cette époque, Laurence Ngosso refuse de se laisser aller à toute fausse modestie. «J’ai dû me battre et me faire une place à force d’efforts et de travail», lance cette quinquagénaire dynamique. Assise devant ses plans au «cabinet Tognia et associés» à Yaoundé, elle parle à l’envi de ce métier qu’elle a épousé un peu par hasard. Avec ce sourire en coin et ce regard perçant qui la caractérise, la dame à la coupe courte et à la silhouette auréolée d’un boubou sombre confie cependant: «Lorsque je faisais mes études secondaires, je me voyais menant des études de sciences politiques!» C’était sans compter avec les ambitions de son père.

A la fin des années 1970, après l’obtention du baccalauréat à Sceaux, dans les Hauts-de-Seine (France), elle se plie à la volonté de ce dernier. «Il avait beaucoup de charisme et, pour tous ses enfants, c’est lui qui choisissait la profession. Lorsque j’ai eu mon Bac, il m’a recommandé l’architecture». C’est ainsi qu’elle intègre l’Ecole spéciale d’architecture de Paris. Son parchemin en poche, en 1982, elle regagne son pays, le Cameroun. A son arrivée, elle porte une double casquette: celle de première femme architecte du pays et de premier architecte formé à l’étranger. Susceptibilité et curiosité se mêlent chez ses confrères lorsqu’elle intègre le ministère de l’Equipement chargé des constructions de l’Etat. Ici, elle est chargée des constructions civiles et des palais nationaux. «Cette situation était inhabituelle dans le contexte d’antan, tout le monde se demandait pourquoi moi. Vu que la ténacité dans l’adversité est une seconde nature pour moi, j’étais tenue de relever le défi», confie, un brin espiègle, cette dame originaire de Yabassi, située à 100 kilomètres de Douala, la capitale économique du Cameroun.

En ce début des années 1980, le Cameroun vit son boom de la construction. Lorsqu’elles travaillent, les femmes sont mieux vues comme secrétaires, infirmières ou enseignantes. La jeune architecte doit donc batailler dur pour se faire remarquer. Après quelques réalisations, les confrères ont dû, se souvient-elle, se rendre à l’évidence que «la dame au rouge à lèvres pouvait faire autant et parfois mieux que les hommes». Les portes du cercle très fermé des bâtisseurs camerounais lui sont alors ouvertes. Sa fibre féminine se manifeste à travers une grande sensibilité, mais aussi «une grande qualité d’écoute et de disponibilité». Etant la seule femme dans la profession, des «chantiers politiques» lui sont confiés, tant pour valoriser l’essor de la femme dans le pays que pour ouvrir de nouvelles perspectives dans le milieu.


Architecture créative

C’est ainsi qu’elle se retrouve dans l’équipe chargée de la construction de l’Immeuble ministériel N°1 à Yaoundé, en 1984. «Le challenge avec cet immeuble, confie-t-elle, c’est que les sondages géotechniques avaient relevé une inconnue ayant entraîné des dispositions spéciales par une technique de fondations totalement inconnues pour moi: les micro-pieux.» Les chantiers des deux hôpitaux généraux (Yaoundé et Douala) font également partie des réalisations les plus importantes qui lui ont été confiées. «Cette période a été, pour moi, une période d’imprégnation des réalités locales. Et même si j’ai dû batailler fort pour y arriver, je pense que j’ai également eu beaucoup de chance», pense-t-elle.

Au lendemain de ces années passées au sein de l’administration camerounaise, c’est en privé qu’elle laisse désormais parler sa créativité. «Dans les années 1980, le boom de la construction a annihilé tout esprit de combativité chez les architectes. Puis, en 1993, la crise du bâtiment a poussé plus d’un à mettre la clé sous le paillasson», confie-t-elle. Cependant, depuis quelques années, «nous assistons à une reprise avec des architectes qui essaient d’allier tradition et modernité en vue d’une architecture authentiquement camerounaise», se réjouit Mme Ngosso qui accorde une place importante à la formation des jeunes attirés par le métier d'architecte. «Plusieurs d'entre eux font leurs preuves sur le terrain et je ne peux qu’en être fière, non seulement pour mon père et moi, pour tous ceux qui m’ont aidée à faire mes premières armes, mais surtout pour mon pays.»

Source : http://www.cirics.org/news/culture/portrait-de-laurence-ngosso

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